Première partie

Parler de l'antiracisme

Les logiques de la fluctuation des attitudes
des journalistes envers SOS-Racisme

Introduction

 

L'une des caractéristiques les plus surprenantes de SOS-Racisme – et donc l'une de celles dont l'analyste doit en priorité rendre compte – est la vitesse de croissance de l'organisation durant sa première année, vitesse qui procède moins du militantisme des fondateurs que de la publicité dont ils bénéficient. En effet, la nouvelle association antiraciste n'aurait pu connaître un tel développement en 1985 sans l'effet d'amplification de sa notoriété que provoque le nombre considérable des articles et des reportages télévisés favorables qui lui sont alors consacrés. Dans les représentations ordinaires de l'action militante, représentations qui informent aussi bien les modes de présentation des organisations politiques ou syndicales que les catégories de perception que vont utiliser les acteurs sociaux et les journalistes pour juger de leurs actions, c'est le lent travail de persuasion individuelle des militants qui doit progressivement permettre la constitution d'un groupe cohérent qui ne sera que dans un second temps exhibé aux journalistes sous la forme d'une manifestation ou d'une action collective dont le premier principe d'organisation sera la mise en scène de la représentativité du groupe [1]. Cependant dans le cas de SOS-Racisme, le groupe à l'origine de la fondation de l'association était extrêmement réduit et n'aurait pas supporté, durant ses premiers mois d'existence, l'objectivation brutale qu'aurait constituée une manifestation. C'est au contraire la publicité que vont lui faire les journalistes qui va faire connaître SOS-Racisme à des personnes qui n'étaient – et pour cause – généralement jamais entrées en contact direct avec ses militants.
      Cependant l'intérêt des journalistes pour SOS-Racisme n'est rien moins que banal. Comment l'ensemble de la presse, et en particulier la presse télévisée, a-t-elle pu montrer autant d'intérêt pour une association qui promouvait, certes, une noble cause, mais dont la composition, les objectifs et le discours apparaissaient alors plutôt imprécis ? Quelles ont été les logiques sociales qui ont engendré l'engouement des journalistes et qui ont contribué à faire d'un groupe militant auparavant obscur une organisation antiraciste connue de tous ? Pour comprendre comment SOS a pu obtenir une presse aussi attentive, nous nous proposons d'analyser en détail la couverture des actions de l'association entre 1985 et 1992 dans trois quotidiens nationaux, Libération, Le Monde et Le Figaro. Nous avons choisi des journaux de presse écrite plutôt qu'audiovisuelle – dont l'impact public est pourtant plus important – en raison de la plus grande accessibilité des archives [ 2] mais aussi parce que le nombre d'articles ayant SOS pour objet est plus important que celui des reportages, ce qui nous autorisait une analyse moins discontinue de l'orientation de la couverture. Enfin, travaillant pour un public plus large, les journalistes de la presse audiovisuelle ont moins de latitude que leurs confrères de la presse écrite pour porter un jugement et ils se contentent donc généralement de reprendre la tonalité dominante des commentaires de la presse écrite [3]. C'est la persistance de l'attention de la presse écrite pour SOS-Racisme qui sera à l'origine du maintien de l'intérêt des journalistes de télévision pour SOS. Pour comprendre les logiques de l'évolution du jugement que les journalistes pouvaient légitimement porter sur SOS-Racisme à différents moments de son histoire, il était donc à la fois plus facile et préférable de comprendre les processus d'engendrement des commentaires au sein des journaux de presse écrite.
      Si un journal « de gauche », un journal « de droite » et un grand quotidien du soir ont été choisis c'est évidemment parce que nous supposions que la ligne politique du journal était un facteur important de l'orientation des commentaires journalistiques sur SOS-Racisme. L’analyse de la couverture de SOS par Libération, le quotidien qui avait le plus publié d'articles consacrés à SOS-Racisme s'imposait pour cette raison : en soumettant durablement SOS-Racisme à l'attention du milieu journalistique, les journalistes de Libération avaient en partie contribué à imposer ce sujet à l'ensemble de leurs confrères. Le Figaro, ayant un tirage plus important que celui du Quotidien de Paris, a été préféré au quotidien de Philippe Tesson qui avait cependant consacré plus d'espace à SOS. Enfin il pouvait apparaître intéressant d'analyser la couverture du journal Le Monde, en raison de son statut particulier au sein de la presse française, de son image publique de « neutralité » et de sa capacité supposée à imposer l’orientation de ses commentaires à d'autres secteurs du champ de l'information. L'objectif de ces trois études sera de comprendre quelles ont été au sein de chacune de ces rédactions les conditions pratiques de la production des articles et en particulier la logique d'engendrement des commentaires sur l'action de l'association. Pour chaque quotidien étudié, j'ai cherché à mettre en relation à la fois le contenu et l'orientation des articles, la position et la trajectoire des journalistes au sein de la rédaction quand il était possible de la reconstituer, les opinions propres à chaque journaliste dans le secteur de l'antiracisme en fonction de son histoire particulière et enfin la ligne éditoriale et les stratégies d'image des hiérarchies rédactionnelles en relation avec la position du quotidien dans le champ des médias d'information et avec sa situation économique.
      Pour rendre compte de la complexité des logiques pratiques de l'écriture des articles, j'ai choisi d'analyser séparément dans un premier temps la couverture de chacun des trois journaux considérés. Ce mode d'exposition présente évidemment des défauts. Il risque de surestimer la cohérence du traitement de l'actualité propre à chaque quotidien et ne permet pas toujours de saisir les logiques de l'interaction synchronique entre les journalistes de différents journaux au sein du champ de l'information. Pour atténuer cet inconvénient, j'ai cherché, dans l'analyse de la couverture de chaque quotidien à rappeler comment les autres journaux traitaient simultanément de SOS-Racisme [4]. Enfin le chapitre de synthèse permettra de comprendre les effets de l'interaction entre les différents journaux dans le champ de l'information politique. Mais ce mode d'exposition présentait l'avantage de permettre l'analyse d'une unité concrète d'interaction : la rédaction. En effet, c'est au niveau de la rédaction que certains choix de ligne éditoriale sont réalisés, selon des objectifs simultanément politiques, commerciaux et journalistiques dont nous essayerons de faire percevoir au lecteur l'intrication. Un autre mode d'exposition aurait risqué de ne pas nous permettre de discerner les logiques pratiques, propres à chaque rédaction, de l'écriture des articles. Enfin comme je souhaitais comprendre les processus de production des commentaires et l'évolution de leur orientation, j'ai choisi un mode d'exposition chronologique qui me permette d'analyser la succession des attitudes journalistiques vis-à-vis de SOS et des situations pratiques d'écriture qui, s'imposant partiellement aux journalistes, contribuent à faire des articles la résultante d'un ensemble de contraintes que nous essayerons de déterminer. Si le mode d'exposition chronologique rend plus difficile une perception synthétique des phénomènes, il permet en revanche l'étude au sein de chaque rédaction des processus pratiques d'engendrement des commentaires que les journalistes pouvaient porter sur SOS-Racisme. J'assume donc pleinement le choix de la méthode d'exposition à la fois dans sa dimension « monographique » pour rechercher les contraintes propres à chaque site de production des articles et dans sa dimension « chronologique » pour comprendre les processus d'évolution des attitudes des rédactions vis-à-vis de SOS.
      Pour pouvoir disposer d'un indicateur de l'orientation des commentaires portés sur SOS-Racisme au sein de la presse j'ai constitué une base de données de 1400 articles et procédé à un codage de la tonalité à l'égard de SOS qui se dégageait de chaque article. La méthode de codage sera exposée à la section suivante. Cependant, il n'a pas été procédé à un codage des schèmes de description que les journalistes mettaient en œuvre pour rendre compte des activités de l'association [5]. D'une part la méthode est lourde à utiliser sur un échantillon de 1400 articles, ensuite la diversité des schèmes d'intelligibilité et d'expression des jugements sur SOS-Racisme peut être estimée trop grande pour que leur codage soit véritablement fécond. En revanche, pour que le lecteur accède à ces cadres de description des « faits » qui sont également un moyen de porter un jugement sur SOS, j'ai choisi de citer fréquemment des extraits que je jugeais significatifs des articles étudiés, notamment lorsqu'ils comportaient des commentaires à l'égard de l'association. J'ai conscience qu'à la longue ce parti pris de description détaillée du contenu des articles puisse lasser le lecteur. Je m'en excuse par avance. Pourtant, j'ai jugé préférable de toujours donner un aperçu du texte des articles pour lier en permanence les conditions structurelles de la production journalistique au produit lui-même. Cette méthode permet cependant d’analyser de manière empiriquement convaincante des logiques sociales engagées dans la couverture d’une organisation politique comme SOS-Racisme. Notre effort a porté notamment sur l’intégration dans une même analyse de l’étude des caractéristiques professionnelles des journalistes et de leurs motivations particulières vis-à-vis de SOS, des stratégies rédactionnelles à l’égard de l’association, relevant à la fois de logiques politiques, commerciales et professionnelles et, pour comprendre celles-ci, des transformations conjoncturelles du champ de l’information politique en relation avec les évolutions qui affectent simultanément le champ politique. À notre connaissance, une analyse intégrant ces trois niveaux explicatifs n’avait jamais été menée.

Une des raisons du succès de SOS-Racisme réside dans l'adéquation tout à fait remarquable entre la mise en forme de la nouvelle organisation antiraciste et les besoins particuliers du milieu journalistique au mitan des années quatre-vingt. Cette adéquation a été recherchée par les fondateurs de SOS dont l'offre antiraciste tentait de ne donner prise à aucune critique. L'œcuménisme politique affiché et la limitation du discours revendicatif à quelques mots d'ordre roboratifs rendaient difficile aux journalistes les plus hostiles la formulation d'un commentaire critique à l'égard des défenseurs d'une aussi juste cause. Cependant, la difficulté qu'il y avait à mettre en cause l'association pourra expliquer en 1985 la neutralité relative des journalistes des quotidiens d'opposition, mais pas le soutien actif dont vont faire preuve les journalistes des journaux « de gauche ». Nous montrerons comment la mise en forme « apolitique », « neutre » et « juvénile » qui va être donnée à SOS-Racisme va le rendre susceptible de recevoir les investissements multiples des acteurs du champ journalistique. Investissements politiques d'abord puisque le soutien à SOS-Racisme sera considéré comme un moyen de lutter contre Le Pen mais aussi d'affirmer la fidélité de certaines rédactions à « la gauche » en période de « rigueur de gauche » ; investissement économique et publicitaire puisque certains quotidiens vont procéder à de véritables campagnes de publicité lors des concerts pour capter un public potentiel et pour établir fermement leur image de journal de la jeunesse ; investissement journalistique dans la mesure où, dans une période où « la politique » ne faisait plus recette, cette association correspondait parfaitement au type de sujets que cherchaient alors à promouvoir les journalistes : gais, optimistes, consensuels, non partisans, susceptibles d'intégrer les pages « modes de vie » ou « culture », aussi bien que les pages « faits de société », « jeunesse » ou « people ». À partir de 1988, l'accroissement du nombre des articles critiques envers l'association au sein des journaux qui auparavant la soutenaient aura pour origine les transformations de l'image publique de SOS-Racisme provoquées par sa participation aux luttes politiques : lorsque l'association apparaîtra « socialiste » plutôt que « apolitique » et dirigée par des militants chevronnés plutôt que par « des jeunes antiracistes », les usages journalistiques que pourront en faire les quotidiens d'information ne seront pas les mêmes qu'auparavant et cette modification de la nature journalistique de l'association aura pour conséquence la transformation des commentaires qui pourront être portés.

 

 

Constitution et codage d'une base
d'articles de presse sur SOS-Racisme

 

L'analyse de la couverture de presse consacrée à une organisation est un moyen rarement utilisé de façon systématique en sociologie pour étudier les conditions de son action. Pour beaucoup d'organisations les textes nécessaires sont trop nombreux, trop diffus, écrits sur une durée trop longue et il est coûteux d'en réunir un fraction significative. L'organisation préexiste souvent à ceux qui sont chargés d'écrire sur elle et il est difficile de préciser et de contrôler les rapports que les journalistes entretiennent avec les organisations dont ils traitent. Il est ainsi malaisé de lire une partie significative des articles qui ont été consacrés au Parti socialiste, sous ses formes diverses, depuis sa constitution ou même sa refondation à Epinay. Savoir ce que les rédacteurs engagent dans la couverture de partis dont ils ont été militants, sympathisants ou adversaires constitue dès lors un travail considérable.
      Un article de journal est en outre un produit difficile à interpréter. L'observateur maîtrise rarement les conditions de son écriture. Il est ainsi particulièrement délicat de déterminer qui des rédacteurs présents durant la conférence de rédaction, de la direction du journal, du chef de service, du journaliste « rubricard » ou même de la nécessité de traiter d'une actualité s'imposant aux journalistes est à l'initiative de la publication d'un papier. Il semble également particulièrement complexe d'imputer à un acteur unique la détermination de la « ligne rédactionnelle » suivie par le journal. L'existence d'une orientation commune à l'ensemble des articles consacrés à un même secteur pourrait souvent être mise en doute pour tous les sujets qui ne relèvent pas de la politique générale du titre : le processus d'engendrement des articles semble fréquemment chaotique et faire intervenir de multiples rédacteurs. Pour être complète et convaincante, l'interprétation des produits journalistiques ne saurait être possible qu'après l'analyse des évolutions idéologiques et de la trajectoire professionnelle de chaque rédacteur, celle des configurations politiques et professionnelles propres à chaque rédaction, mais aussi après l'étude des interactions concurrentielles entre les rédacteurs et entre les rédactions, et la prise en compte du contexte politique et social dans lequel l'écriture de chaque article s'effectue.

Il est de surcroît difficile de contrôler les effets sociaux de la production journalistique. La lecture des journaux ne concerne qu'une part réduite de la population totale. Chaque journal n'est lu que partiellement et avec une attention qui n'est pas toujours constante. En outre, les lecteurs réguliers de la presse parisienne appartiennent aux fractions les plus intéressées par la politique et les plus susceptibles d'avoir des préférences partisanes bien établies et des opinions constituées. Il est alors difficile de déterminer l'impact marginal de l'orientation des articles sur des agents dont les préférences sont solidement établies. Cependant, on peut supposer que le ton adopté par les principaux journaux à l'égard d'un groupe militant peut affecter sa popularité, en particulier lorsque le lectorat de ce journal est très proche (politiquement et générationnellement) des soutiens principaux de ce groupe. En outre, l'attitude des journalistes de presse écrite constitue un marqueur d'opinion pour un ensemble d'acteurs qui interviennent dans la constitution de produits journalistiques – journaux télévisés ou radiodiffusés, reportages, livres, sources journalistiques et personnels politiques – . Les journalistes de presse écrite contribuent donc à l'établissement de la tonalité des commentaires pouvant légitimement être produits sur les groupes politiques ou sociaux. Ainsi les porte-parole des organisations militantes sont particulièrement attentifs à l'image que la presse et la télévision peuvent donner d'eux. Beaucoup d'actions sont organisées « pour la presse », c'est-à-dire mises en forme pour satisfaire les besoins particuliers des journalistes et adaptées à leur exigences en matière de justification.
      Comment la couverture de presse d'un mouvement peut affecter celui-ci, par quel processus et comment peut-on mesurer les effets des comptes-rendus et des commentaires journalistiques ?

SOS-Racisme qui a été fondé par un groupe militant très réduit n'a pu être aussi rapidement connu du grand public que par la publicité que lui ont procurée de nombreux médias. La télévision a sans doute joué un rôle essentiel dans la popularisation de l'association, en particulier chez les collégiens et les lycéens, qui constituaient la population la plus susceptible d'acheter le badge mais qui regardaient plus la télévision qu'ils ne lisaient la presse écrite. Cependant, si la notoriété de SOS-Racisme provenait surtout des reportages télévisés, la presse a eu une importance déterminante dans son émergence : la première page du Nouvel Observateur du 15 février 1985 avec la reproduction de la main jaune du badge a été à l'origine de l'attention que les journalistes ont accordée à l'association. C'est l'attention que certains quotidiens de presse écrite accordaient à SOS-Racisme qui a entraîné celle des journaux télévisés. De fait, si la télévision touche un public beaucoup plus large que la presse écrite, elle tend à être moins autonome que celle-ci dans le choix et le mode de traitement de ses principaux titres. En effet, les trente minutes d'un journal télévisé permettent de traiter moins de sujets et de façon plus sommaire que les quarante pages d'un quotidien. La part des informations qui sont « imposées » par l'actualité est donc proportionnellement plus importante au sein des journaux télévisés que dans les quotidiens : la marge de liberté pour placer un sujet original est plus réduite. Les contraintes propres à la télévision, c'est-à-dire en particulier la nécessité de proposer des images pour traiter un sujet et les coûts de production et de tournage de ces images, obligent les journaux télévisés à se replier sur les sujets sûrs pour lesquels l'envoi d'une équipe de reportage sera rentable de façon certaine. Si les journalistes de télévision disposent d'une plus forte audience, ils ont donc moins d'autonomie et sont plus souvent « suiveurs » d'une information découverte et d'abord construite ailleurs. Soulignons en outre que les journaux télévisés préfèrent, en dehors du secteur de la politique nationale, traiter des sujets « consensuels », ne prêtant pas à polémique, parce que leur audience plus large, qui n'est pas sélectionnée selon une ligne politique clairement identifiée comme les médias de presse écrite, les contraint à une plus grande « neutralisation » de leurs propos. Les journaux télévisés qui couvrent largement les actions de SOS-Racisme en 1985 lorsque l'association est nouvelle et peu critiquée en parlent beaucoup moins à partir de 1986, même lors des principaux « événements médiatiques » suscités par l'association (manifestations, concerts, réactions après un « crime raciste », polémiques des foulards et de la Guerre du Golfe), parce que l'association « crée moins l'événement » mais aussi parce qu'elle est plus critiquée.
      Nous pouvons cependant faire l'hypothèse que l'étude de la presse écrite constitue un indicateur relativement fiable de l'évolution de la couverture de SOS-Racisme par l'ensemble des médias, à condition de prendre en compte les contraintes et les caractéristiques différentes du journalisme de presse écrite et du journalisme audiovisuel. Il était donc à la fois plus facile et plus pertinent de nous intéresser à la couverture de l'association par la presse écrite. D'une part la couverture de la presse était plus continue que celle des journaux télévisés, d'autre part elle était moins « neutralisée » politiquement et présentait donc l'avantage de permettre de retracer plus facilement la progression des critiques formulées à l'encontre de l'association. Nous allons étudier ici l'évolution du traitement journalistique que la presse nationale a accordé à SOS-Racisme entre 1985 et 1992 en cherchant à établir un lien entre la capacité de mobilisation de SOS et la tonalité générale de sa couverture médiatique.

 

A) La constitution d'une base d'articles

Dans le but de mener une analyse quantitative de la couverture de SOS-Racisme par la presse nationale, nous avons recueilli le plus grand nombre possible d'articles consacrés à l'association. Notre travail a été facilité par l'existence de collections d'articles déjà constituées sur le sujet du racisme ou sur l'association elle-même. Nous avons consulté la revue de presse de l'Agence pour le développement des relations interculturelles (ADRI) sur la période 1985-1992 (environ 550 articles), la revue de presse personnelle d'un militant de SOS-Racisme entre 1985 et 1990 (environ 400 articles), celle du service de documentation du journal Le Monde consacrée à Harlem Désir et à SOS-Racisme entre 1985 et 1992 (environ 200 articles supplémentaires), celle du journal La Croix sur SOS-Racisme de 1985 à 1992 (environ 150 articles) et celle du journal Libération sur SOS-Racisme pour la période 1989-1991 (environ 150 articles). Nous avons en outre dépouillé systématiquement les journaux et les hebdomadaires d'actualité durant la semaine qui précédait et celle qui suivait les 19 principales initiatives de SOS (les huit concerts annuels, deux congrès, trois manifestations, la minute de silence pour Aziz Madak, l'arrivée de la troisième marche, l'Heure de Vérité de Harlem Désir, le Grand Rancard, les Etats généraux européens de la jeunesse, les Etat généraux des quartiers) soit environ 150 articles supplémentaires. Nous avons ainsi obtenu pour la période comprise entre 1985 et 1992 environ 1500 articles dont le sujet principal était SOS-Racisme ou qui citaient seulement l'association. Nous avons décidé de ne tenir compte que des articles de la presse parisienne qui représentaient d'ailleurs la plus grande partie des articles collectés. Ont donc été conservés les articles issus des quotidiens Libération, Le Matin de Paris (entre 1985 et 1987), Le Monde, Le Quotidien de Paris, Le Figaro, L'Humanité, La Croix, et des hebdomadaires Le Nouvel Observateur, L'Express, L'Evénement du jeudi, soit un peu plus de 1300 articles. France Soir et Le Point ont été exclus de l'échantillon parce que très peu d'articles étaient repris dans les différentes revues de presse [6].
      Au fur et à mesure qu'étaient dépouillées les différentes collections d'articles, nous rencontrions de plus en plus fréquemment des articles déjà recueillis. De plus, les articles qui s'ajoutaient étaient souvent des brèves qui n'avaient pas été retenues dans les revues de presse des journaux [7]. Nous avons fait une recherche dans la liste des articles faisant référence à SOS établie par le service documentation de Libération. Les articles manquants étaient peu nombreux mais nous ne pouvions pas avoir de garantie sur la rigueur du recensement effectué par la documentation de Libération. Toutefois, il semble bien que notre collection soit quasiment exhaustive en ce qui concerne Libération en 1985 et il en est presque de même en ce qui concerne le journal Le Monde de la même année, en partie parce que nous avons travaillé directement sur les revues de presse de ces deux journaux, mais aussi parce qu'ils étaient fortement représentés dans la collection de l'ADRI et dans la collection personnelle du militant de SOS. Au delà de l'année 1985, il est possible que la collection soit moins complète, en particulier pour les brèves qui n'ont pas toujours été reprises dans les revues de presse. Nous avons en outre beaucoup plus de brèves issues du Monde, du Matin et de Libération que des autres journaux (après 1985, 75 % des brèves proviennent de ces trois journaux) sans que l'on sache si ces trois quotidiens publient effectivement plus de brèves consacrées à SOS ou si celles de leurs concurrents ne nous sont pas parvenues. Par la suite, pour diminuer l'effet de possibles biais, nous comparerons souvent la couverture des différents journaux en ne tenant compte que des articles non-courts.

L'établissement de cette revue de presse et son utilisation pour décrire l'évolution de la couverture de SOS-Racisme par les médias posaient cependant un certain nombre de problèmes de méthode. En premier lieu celui de l'estimation de la proportion entre les articles recueillis et l'ensemble des articles publiés à propos de SOS-Racisme. Pour pouvoir tirer des conclusions de l'étude quantitative de l'ensemble des articles codés, il était donc nécessaire de définir quelle était la « masse manquante » et si celle-ci se trouvait également répartie dans le temps et entre les différents organes de presse. Les conditions de recueil dans les revues de presse consultées n'avaient probablement pas été les mêmes durant les huit années considérées et pour tous les journaux. On peut en effet faire l'hypothèse que la collecte d'articles sur SOS-Racisme a été plus suivie entre 1985 et 1987, quand SOS-Racisme était actif et peu critiqué, qu'après 1988, lorsque l'intérêt se sera émoussé. C'est vrai pour la revue de presse de l'ADRI où l'année 1985 est particulièrement fournie et les années 1986, 1987 et 1988, peu représentées. Il était en outre probable que certaines des revues que nous avions utilisées avaient privilégié les journaux « de gauche » qui parlent davantage de SOS et de l'antiracisme. La revue de presse du militant de SOS était extraite des journaux qu'il achetait, c'est-à-dire principalement Libération, Le Monde, Le Matin de Paris jusqu'à sa disparition. Toutefois, on peut penser que les revues de presse du Monde, de Libération et de La Croix, en partie faites pour donner aux journalistes des informations sur le traitement du sujet par les autres journalistes, étaient plus complètes. Le biais principal risquait cependant d'être une sous-représentation des journaux « de droite » en particulier Le Figaro, Le Quotidien de Paris, Le Point et L'Express. Il était donc nécessaire, en faisant des sondages systématiques sur certaines périodes, d'une part de contrôler la représentativité de notre échantillon par rapport au nombre total des articles publiés sur SOS-Racisme, d'autre part de déterminer la part relative de chaque quotidien, enfin d'estimer si une période entre 1985 et 1992 était sur-représentée dans notre échantillon.


Le tableau 1 indique le nombre total d'articles consacrés à SOS publiés par les journaux parisiens lors des 19 principales initiatives de l'association (première colonne) et le nombre d'articles issus de la recherche systématique qui n'avaient pas été trouvés dans les revues de presse consultées. Il apparaît que pour presque tous les événements concernés, plus de la moitié des articles que la presse parisienne avait consacrés à SOS avaient été repris dans les différentes revues de presse. Cette proportion est encore plus forte si on ne tient pas compte des articles non directement centrés sur SOS, des articles non signés et des brèves (voir tableau 1 colonnes 4, 5 et 6). Au total, pour les principaux événements organisés par SOS-Racisme (en excluant la minute de silence après la mort d'Aziz Madak et le premier concert, pour lesquels les collections consultées étaient très complètes), les articles rassemblés dans les différentes revues de presse représentaient environ 65 % de l'ensemble des articles réellement publiés et environ 73 % des articles centrés sur SOS, signés et non-courts [8]. L'écart entre le nombre d'articles recueillis dans les revues de presse et le nombre de ceux réellement publiés permet-il de donner une approximation des articles manquants ? Il est possible de considérer que les revues de presse sont particulièrement complètes lors des principaux événements organisés par SOS, ou au contraire que par un effet de saturation beaucoup de textes sont oubliés lorsque les journaux en publient trop simultanément. Il est cependant probable que le dépouillement systématique porte sur les périodes où l'on avait le plus de chance de trouver des articles sur l'association. Le nombre important de textes supplémentaires (132 sur 34 semaines) n'est donc sans doute pas représentatif du nombre total d'articles manquants.


Tableau 1 : nombre d'articles consacrés à SOS en fonction de leur type et des
                    événements organisés


Numéro de colonne

_________________

Evénement

 

1

2

3

4

5

6

Minute de silence après la mort d'Aziz Madak

26-03

1985

77

0

-

25

-

-

Concert de la Concorde

15-06

1985

120

0

-

65

-

-

Arrivée de la marche

7-12

1985

38

3

8 %

23

1

4 %

2ème Concert à
la Bastille

14-06

1986

24

4

17 %

12

1

8 %

Manifestation contre
le code

15-03

1987

31

18

58 %

4

3

75 %

3ème concert

20-06

1987

17

7

41 %

10

3

30 %

Heure de Vérité d'
Harlem Désir

19-08

1987

58

29

50 %

27

15

56 %

Manifestation avec l'UNEF-ID

29-11

1987

33

10

30 %

15

2

13 %

Le Grand Rancard

12-03

1988

20

13

65 %

14

9

64 %

Congrès de Noisiel

4-04

1988

17

7

41 %

7

1

14 %

4ème concert

18-06

1988

26

7

27 %

16

3

19 %

Etats Généraux Européens de la Jeunesse

18-12

1988

6

3

50 %

3

2

67 %

5ème concert

10-06

1989

13

4

31 %

5

0

0 %

Congrès de Longjumeau

30-04

1990

22

2

9 %

18

2

11 %

6ème concert

9-06

1990

11

4

36 %

8

3

38 %

Etats généraux des quartiers

2-12

1990

9

2

22 %

6

1

17 %

7ème concert

9-06

1991

12

6

50 %

7

2

29 %

Manifestation antiraciste contre le gouvernement

25-01

1992

38

7

18 %

20

2

10 %

8ème concert

14-07

1992

7

6

86 %

4

3

75 %

Total*

 

382

132

34,5 %

199

53

27 %

Total 1985-1988*

 

201

71

35 %

91

25

27 %

Total 1989-1992

 

181

61

34 %

108

28

26 %

Colonne 1 : nombre d'articles suivant et précédant les principaux événements recueillis dans les diffé-
                  rentes revues de presse consultées.
Colonne 2 : nombre d'articles absents des revues de presse consultées et trouvés lors d'une recherche
                  systématique.
Colonne 3 : pourcentage d'articles issus de la recherche systématique et qui n'avaient pas été trouvés
                  dans les revues de presse.
Colonne 4 : nombre d'articles centrés sur SOS, signés et non-courts, pour chaque journal.
Colonne 5 : nombre d'articles centrés sur SOS, signés et non-courts, absents des revues de presse con-
                  sultées et trouvés lors d'une recherche systématique.
Colonne 6 : pourcentage d'articles centrés sur SOS, signés et non-courts, absents des revues de presse
                  consultées et trouvés lors d'une recherche systématique.
* Le total est calculé sans compter les articles consacrés au concert de la Concorde et à la mort d'Aziz Madak qui étaient très bien représentés dans les revues de presse.


Tableau 2 : nombre d'articles consacrés à SOS en fonction du journal et des
                    événements


Numéro
de colonne

1

2

3

4

5

6

Journaux nationaux

nombre total d'articles

nombre d'articles centrés, non-courts

nombre d'articles sur les 19 principaux événements

Nombre d'articles centrés, non-courts (19)

nombre d'articles en dehors des 19 principales actions

nombre d'articles centrés non-courts en dehors des 19

Libération

419

202

156

98

263

104

Le Monde

282

101

66

33

216

68

Le Matin de Paris

206

94

106

46

100

48

Le Quotidien de Paris

147

77

88

56

59

21

La Croix

90

34

46

20

44

14

L'Humanité

74

24

42

16

32

8

Le Figaro

67

29

35

16

32

13

Le Nouvel Observateur

50

27

23

13

27

14

L'Evénement du Jeudi

26

13

9

6

17

7

L'Express

21

11

7

3

14

8

Total

1382

612

578

307

804

305

Colonne 1 : nombre des articles sur SOS publiés par chaque journal.
Colonne 2 : nombre d'articles centrés et non-courts pour chaque journal.
Colonne 3 : nombre, pour chaque journal, des articles sur SOS lors des principaux événements impli-
                 quant l'association (relevé systématique).
Colonne 4 : nombre, pour chaque journal, des articles centrés et non-courts lors des principaux événe-
                 ments, impliquant l'association (relevé systématique).
Colonne 5 : nombre, pour chaque journal, des articles issus des revues de presse consultées en dehors
                 des principaux événements, impliquant l'association (relevé non systématique).
Colonne 6 : nombre, pour chaque journal, des articles centrés, signés et non-courts issus des revues
                 de presse consultées en dehors des principaux événements impliquant l'association (relevé
                 non systématique). (colonne 2 moins colonne 4).

On peut contrôler la représentativité de notre échantillon en comparant la répartition des articles des différents journaux entre les périodes pour lesquelles nous avons fait une recherche systématique et celles pour lesquelles nous n'avons que les articles issus des revues de presse (voir tableaux 1 et 2). La colonne 3 du tableau 2 montre la part de chacun des journaux nationaux retenus dans la couverture des dix-neuf principaux événements impliquant SOS-Racisme, tandis que la colonne 5 indique la répartition entre ces journaux des articles issus des différentes revues de presse consultées. On constate que les quatre journaux qui consacrent le plus d'articles à SOS lors des 228 jours systématiquement dépouillés sont aussi ceux dont les revues de presse proposent le plus d'articles. Toutefois des écarts importants se manifestent : Libération qui représente 33 % des articles en dehors des 19 dates principales ne fournit que 27 % des articles lors de ces événements. De même Le Monde qui représente 27 % des articles en dehors de ces dates ne représente que 11 % des articles lors des principales initiatives de SOS. À l'inverse, Le Matin de Paris, Le Quotidien de Paris, L'Humanité et Le Figaro sont proportionnellement plus représentés dans le relevé systématique que dans la sélection d'articles, respectivement 18 et 12 % pour Le Matin de Paris, 15 et 7 % pour Le Quotidien de Paris, 7 et 4 % pour L'Humanité, 6 et 4 % pour Le Figaro. Si on ne tient compte que des articles dont le sujet principal est SOS (voir tableau 4 colonnes 5, 6 et 7), on obtient des résultats très semblables. Ces résultats peuvent être interprétés de deux façons : soit on considère que notre échantillon d'articles issus des revues de presse est biaisé par une collecte désordonnée et que la répartition des articles entre les différents journaux entre 1985 et 1992 est relativement proche de la répartition donnée par le dépouillement systématique, soit on considère que celui-ci ne fournit pas une image réaliste de la part prise par chaque journal à la couverture de SOS parce que certains d'entre eux ne consacrent des articles à SOS que lors des principales initiatives de l'association. Le dépouillement complet sur les dix-neuf principaux événements conduirait donc à une sur-représentation de certains journaux, en particulier les journaux « de droite », Le Quotidien de Paris et Le Figaro.


Tableau 3 : part des articles consacrés à SOS en fonction du journal et de la taille et de
                    la centralité des articles


Numéro de colonne

__________________

Journaux

1

2

3

4

5

6

Libération

30 %

33 %

27 %

32 %

33 %

34 %

Le Monde

20 %

17 %

11 %

11 %

27 %

22 %

Le Matin de Paris

15 %

15 %

18 %

15 %

12 %

16 %

Le Quotidien de Paris

11 %

13 %

15 %

18 %

7 %

7 %

La Croix

7 %

6 %

8 %

7 %

5 %

5 %

L'Humanité

5 %

4 %

7 %

5 %

4 %

3 %

Le Figaro

5 %

5 %

6 %

5 %

4 %

4 %

Le Nouvel Observateur

4 %

4 %

4 %

4 %

3 %

5 %

L'Evénement du Jeudi

2 %

2 %

2 %

2 %

2 %

2 %

L'Express

2 %

2 %

1 %

1 %

2 %

3 %

Total

101 %

101 %

99 %

100 %

99 %

101 %

Colonne 1 : pourcentage des articles sur SOS publiés par chaque journal.
Colonne 2 : pourcentage d'articles centrés et non-courts pour chaque journal.
Colonne 3 : pourcentage, pour chaque journal, des articles sur SOS lors les principaux événements
                 impliquant l'association (relevé systématique).
Colonne 4 : pourcentage, pour chaque journal, des articles centrés et non-courts publiés lors des dix-neuf
                 principaux événements impliquant l'association (relevé systématique).
Colonne 5 : pourcentage des articles de chaque journal issus des revues de presse consultées en dehors
                 des principaux événements impliquant l'association (relevé non systématique).
Colonne 6 : pourcentage, pour chaque journal, des articles centrés, signés et non-courts, issus des revues
                 de presse consultées en dehors des principaux événements impliquant l'association (relevé non
                 systématique).


Tableau 4 : nombre des articles consacrés à SOS en fonction du mode de collecte et du
                    journal


Numéro de colonne

__________________

Journaux nationaux

1

2

3

4

5

6

7

Libération

419

310

131

179

31 %

28 %

33 %

Le Monde

282

187

56

131

19 %

12 %

24 %

Le Matin de Paris

206

157

78

79

16 %

17 %

15 %

Le Quotidien de Paris

147

114

77

37

11 %

16 %

7 %

La Croix

90

65

36

29

6 %

8 %

5 %

L'Humanité

74

44

31

13

4 %

7 %

2 %

Le Figaro

67

47

27

20

5 %

6 %

4 %

Le Nouvel Observateur

50

43

19

24

4 %

4 %

4 %

L'Evénement du Jeudi

26

20

7

13

2 %

1 %

2 %

L'Express

21

16

6

10

2 %

1 %

2 %

Total

1382

1003

468

535

100 %

100 %

98 %

Colonne 1 : nombre total d'articles par journaux.
Colonne 2 : nombre d'articles dont le sujet principal est SOS ou une de ses actions.
Colonne 3 : nombre d'articles dont le sujet principal est SOS ou une de ses actions lors des principales
                 initiatives de l'association (après 1985) (relevé systématique).
Colonne 4 : nombre d'articles dont le sujet principal est SOS ou une de ses actions en dehors des prin-
                 cipales initiatives de l'association (relevé non systématique).
Colonne 5 : pourcentage d’articles dont le sujet principal est SOS ou une de ses actions (correspond
                 à la colonne 2).
Colonne 6 : pourcentage d’articles dont le sujet principal est SOS ou une de ses actions lors des
                 principales initiatives de l'association (relevé systématique), (correspond à la colonne 3).
Colonne 7 : pourcentage d'articles dont le sujet principal est SOS ou une de ses actions en dehors
                 des principales initiatives de l'association (relevé non systématique,correspond à la colonne 4).

Pour trancher cette question nous avons fait un dépouillement systématique des journaux nationaux retenus en dehors des périodes où SOS organisait des actions publiques. Nous avons choisi les mois de janvier-février 1986 et mai 1992 parce que les revues de presse consultées ne proposaient pour ces deux périodes que très peu d'articles, (respectivement 7, 2 et 3 – alors qu'à partir de 1986 la moyenne mensuelle des articles recueillis consacrés à SOS est de 11,7 –), les mois d'octobre 1989 et de janvier 1991, correspondant à l'affaire dite du « foulard islamique » et aux manifestations contre la guerre du Golfe, parce que nous avions un nombre d'articles important (respectivement 27 et 23) et le mois d'octobre 1987 pour lequel nous avions un nombre d'articles moyen (12). Pour chaque période considérée nous avons trouvé des articles supplémentaires qui n'avaient pas été repris dans les revues de presse consultées (voir tableau 5).


Tableau 5 : pourcentage des articles supplémentaires issus du dépouillement
                    systématique


Période

Articles issus des revues de presse

Articles supplémen-taires issus du dépouillement systématique

Proportion d'articles supplémentaires

Proportion d'articles centrés

Proportion d'articles centrés hors brèves

janvier 1986

7

3

43 %

60 %

0 %

février 1986

2

4

200 %

150 %

0 %

octobre 1987

12

16

133 %

90 %

100 %

octobre 1989

27

6

22 %

11 %

25 %

janvier 1989

23

36

156 %

70 %

27 %

mai 1992

3

6

200 %

133 %

0 %

Total

74

71

96 %

69 %

36 %

 

Pour les six mois considérés, la recherche systématique conduit à trouver 96 % d'articles supplémentaires se référant à SOS-Racisme. Toutefois, ce pourcentage décroît si l'on ne considère que les articles dont l'association constitue le sujet principal (69 % d'articles supplémentaires) ou si l'on ne tient pas compte des brèves (36 % d'articles supplémentaires).
   Si l'on fait l'hypothèse qu'il manque autant d'articles pour l'ensemble de l'échantillon qui n'a pas été systématiquement dépouillé (soit 733 articles [9]) que sur les six mois qui l'ont été, on peut estimer le nombre d'articles manquants à environ 630, dont environ 100 articles non-courts dont le principal sujet est SOS-Racisme. Il y aurait donc eu environ 2000 articles citant SOS-Racisme publiés entre 1985 et 1992 dont 1382 répertoriés dans notre revue de presse (qui représenterait 69 % du nombre d'articles probables) et environ 700 articles non-courts centrés sur SOS-Racisme dont 612 répertoriés dans notre échantillon (soit 85 %). On peut donc estimer que notre revue de presse est numériquement assez représentative de l'ensemble des articles publiés à propos de SOS-Racisme.

Reste à déterminer si chaque titre est proportionnellement représenté dans notre échantillon, c'est-à-dire si certains journaux ne sont pas sur-représentés dans notre revue de presse. Si on compare la proportion respective de chacun des journaux nationaux retenus dans notre échantillon total avec la proportion qui est la sienne dans les périodes pour lesquelles nous sommes assurés de la répartition, on constate certaines disparités importantes : Libération qui représente 30 % de notre échantillon total (voir tableau 3 colonne 1) ne constitue que 26 % des périodes vérifiées tandis que pour Le Monde les proportions sont respectivement de 20 % et de 13 %) ; au contraire Le Quotidien de Paris qui représente 15 % des périodes vérifiées ne constitue que 11 % de l'ensemble des articles rassemblés. On peut toutefois constater que quel que soit le mode d'estimation retenu, Libération est le quotidien qui publie le plus d'articles consacrés à SOS-Racisme, suivi du Monde, du Quotidien de Paris et du Matin de Paris. Au contraire, La Croix, Le Figaro et L'Humanité sont les quotidiens qui en publient le moins. Pour les hebdomadaires, Le Nouvel Observateur consacre deux fois plus d'articles à l'association que L'Evénement du Jeudi et L'Express.


Tableau 6 : Nombre d'articles consacrés à SOS présents dans notre corpus en
                    fonction du journal et de l'origine de sa recollection


Colonne

__________________

Journaux nationaux

1

2

3

4

5

6

Libération

230

35 %

189

26 %

27 %

23 %

Le Monde

190

29 %

92

13 %

11 %

18 %

Le Matin de Paris

90

14 %

116

16 %

18 %

7 %

Le Quotidien de Paris

36

5 %

111

15 %

15 %

16 %

La Croix

32

5 %

58

8 %

8 %

8 %

L'Humanité

25

4 %

49

7 %

7 %

5 %

Le Figaro

19

3 %

48

7 %

6 %

9 %

Le Nouvel Observateur

21

3 %

29

4 %

4 %

4 %

L'Evénement du Jeudi

10

2 %

16

2 %

2 %

5 %

L'Express

6

1 %

15

2 %

1 %

6 %

Total

659

101 %

723

100 %

99 %

101 %

Colonne 1 : nombre d'articles issus des revues de presse en dehors des principales actions de SOS et
                 des six mois tests (relevé non systématique).
Colonne 2 : répartition des articles issus des revues de presse (relevé non systématique), (pourcen-
                 tage correspondant colonne 1).
Colonne 3 : nombre d'articles publiés lors des principales actions de SOS et lors des six mois tests
                 (relevé systématique).
Colonne 4 : répartition des articles lors des principales actions de SOS et lors des six mois tests
                 (relevé systématique) (pourcentage correspondant à la colonne 3).
Colonne 5 : répartition des articles lors des 19 principales actions de SOS (relevé systématique).
Colonne 6 : répartition des articles lors des six mois tests (relevé systématique).

B) Le codage

Pour étudier l'évolution de la couverture de presse de SOS-Racisme nous avons constitué une base de données à partir de l'ensemble des articles de presse rassemblés. Une fiche a été établie pour chaque article indiquant la date de parution, le journal, l'auteur de l'article, la longueur de l'article, le sujet traité et la tonalité de l'article vis-à-vis de l'association.

 

1) Le codage de la tonalité des articles

Pour décrire l'évolution des attitudes de la presse envers SOS-Racisme, je souhaitais construire un indicateur de l'orientation des journalistes et des rédactions. Pouvait-on considérer que certains journaux « soutenaient » l'association tandis que d'autres étaient soit indifférents soit hostiles ? Comment mesurer l'orientation de la presse envers SOS-Racisme et pouvait-on discerner des périodes, des cycles ou des ruptures dans la façon dont les rédactions rendaient compte de SOS ? Il était donc nécessaire de coder la « tonalité » des articles, c'est-à-dire le rapport du journaliste à l'association tel qu'il pouvait être perceptible dans l'article. La tonalité des articles a donc été codée en trois catégories : positive, négative et neutre.
    Le codage en seulement trois catégories ne permet bien évidemment pas de prendre en compte la diversité des attitudes journalistiques possibles à l'égard de l'association. Il présentait cependant l'avantage d'être simple à mettre en œuvre et de correspondre en partie à la façon dont les responsables de l'association percevaient l'action de la presse à leur égard. L'objectif du codage n'était pas de déterminer en toute exactitude la position de chaque journaliste à l'égard de SOS-Racisme mais essentiellement de fournir un indicateur de l'évolution des attitudes des rédactions vis-à-vis de l'association. Il importe alors peu que l'outil ne soit pas extrêmement précis pourvu qu'il permette de repérer les grandes tendances de l'évolution de la couverture de presse.
   Le codage de la tonalité de l'article a été fait par rapport au contexte de parution de l'article : en 1985, alors que l'ensemble de la presse est favorable à l'association, quelques réserves sur l'organisation ou le simple rappel de l'origine politique des membres fondateurs suffit à faire coder l'article négativement. En revanche, quelques années plus tard, les mêmes éléments seront considérés comme neutres puisqu'ils sont de « notoriété publique » (au moins chez les journalistes) et se retrouvent dans de nombreux articles. Seront codés négatifs après 1985 les articles qui comportent des critiques explicites des actions, de l'affiliation partisane ou des prises de position de SOS-Racisme. Après 1985 les articles qu'on pourrait qualifier de « perfides » ou de critiques « entre les lignes » seront codés neutres. Seront codés positifs en 1985 les articles qui font la promotion de l'association, ceux qui présentent l'association alors qu'elle est encore inconnue, et en général tous les articles qui parlent de SOS sans le support d'une action précise de l'association. Après 1985 seront codés positifs les articles qui rapportent les actions de SOS en termes bienveillants ou les articles où les « faits parlent d'eux-mêmes » : un article sur une manifestation de SOS en réaction à un « crime raciste » sera systématiquement codé positif lorsque le ton n'est pas explicitement négatif. Seront codés neutres les articles « factuels » lorsque les circonstances ne sont pas suffisamment dramatiques pour en déterminer l'orientation et les articles qu'on ne peut coder ni en positif ni en négatif. Ont été codées positives toutes les tribunes et toutes les interviews même si les questions portent sur des points que l'association peut percevoir comme délicats ou embarrassants. On a en effet considéré que les réponses données par le porte-parole étaient plus marquantes que les questions parfois hostiles du journaliste.
   Le codage de la tonalité laisse de côté la question de la perception de l'orientation des articles par les lecteurs. Il y a des périodes où l'image de SOS-Racisme était tellement favorable (en 1985 ou après l'Heure de Vérité de Harlem Désir en 1987) qu'un lecteur pouvait probablement ne pas percevoir le contenu « aigre-doux » d'un article. À l'inverse lorsque la majorité des articles émettait des réserves sur SOS, il est probable qu'un lecteur pouvait avoir une lecture critique d'un article perçu par les responsables de l'association comme plutôt favorable. La question des effets de la lecture des articles et des conséquences de leur orientation sera pour l'instant laissée de côté.

 

2) codage de la longueur

la longueur des articles a été estimée et classée en quatre catégories : les articles « courts » (les brèves) ; les articles de taille « moyenne » (un peu plus longs que les brèves) ; les articles « longs » (qui font environ une demi page de Libération ou un quart de page du Monde) ; les articles « très longs » (ceux qui représentent plus d'une demi page de Libération ou plus d'un quart de page du Monde – soit pour Le Monde 11 articles en 8 ans –). Ce codage visait à pouvoir contrôler l'importance de l'article et en particulier à pouvoir éliminer les articles les plus courts dont on pouvait penser qu'ils seraient les plus nombreux et les moins significatifs. Une des hypothèses que je voulais vérifier était qu'entre 1985 et 1992 la longueur des articles consacrés à SOS tendait à baisser, ou en tout cas le nombre des articles les plus longs, tandis que les actions de l'association avaient de plus en plus tendance à être traitées dans des brèves (voir tableau 7).


Tableau 7 : articles de la presse parisienne citant SOS en fonction de l'année et de la
                    taille des articles


Année

articles très longs

articles longs

articles de taille moyenne

articles courts

Total

1985

37

104

115

144

400

1986

3

35

31

63

132

1987

20

61

75

86

242

1988

5

36

41

63

145

1989

8

44

42

65

159

1990

12

40

34

35

121

1991

10

29

26

33

98

1992

8

27

24

28

87

Total

103

376

388

517

1384

 

En réalité, la proportion des différentes tailles d'articles codés varie peu entre 1985 et 1992 et en tout cas pas selon l'hypothèse de départ. On s'aperçoit au contraire que le nombre de brèves diminue également fortement lorsque les journalistes tendent à écrire moins d'articles sur l'association. Les brèves voient leur nombre se réduire plus que proportionnellement (voir tableau 8). On peut faire l'hypothèse que la chute d'attention des journalistes envers les initiatives de SOS touche d'abord ses actions mineures, ses communiqués, ses conférences de presse, les mobilisations mineures, pour lesquelles les journalistes faisaient auparavant un court article pour en rendre compte. Au contraire, on constate une légère augmentation de la part des articles codés longs (accompagnée toutefois d'une diminution en volume) qui correspond aux articles qui traitent des actions majeures de l'association.


Tableau 8 : articles de la presse parisienne citant SOS en fonction de l'année et de la
                   taille des articles en pourcentage


Année

articles très longs

articles longs

articles de taille moyenne

articles courts

Total

1985

9 %

26 %

28 %

36 %

101 %

1986

2 %

27 %

23 %

48 %

100 %

1987

8 %

25 %

30 %

36 %

99 %

1988

3 %

25 %

27 %

44 %

99 %

1989

5 %

28 %

26 %

41 %

100 %

1990

11 %

33 %

28 %

28 %

100 %

1991

9 %

29 %

27 %

34 %

99 %

1992

9 %

31 %

28 %

32 %

100 %

85-92

7 %

27 %

28 %

38 %

100 %

 

3) Le sujet de l'article

Le sujet de l'article a été codé de plusieurs façons. Tout d'abord on a codé si SOS était le sujet principal de l'article ou si l'association est seulement citée dans l'article. Quand l'article décrit un concert de SOS, l'association a été considérée comme le sujet de l'article ; lorsque à la suite d'un « crime raciste » le journaliste reprend le communiqué de l'association condamnant le meurtre, SOS n'est pas considéré comme le sujet principal de l'article. Une des hypothèses dont est issu ce codage est qu'entre 1985 et 1992 la part des articles dont SOS est le sujet principal tend à décroître tandis qu'augmente celle des articles où on se contente de citer la réaction de l'association. En réalité, la part des articles consacrés à SOS-Racisme par rapport à ceux qui citent seulement l'association est à peu près stable sauf en 1989 et en 1991 lorsque « l'affaire des foulards » et la guerre du Golfe font qu'on citera souvent les prises de position de l'association sans que celle-ci constitue le sujet principal des articles (voir tableau 9). Ce codage nous permettra cependant de déterminer dans quelles circonstances et en fonction de quel type d'action sont écrits les articles dont le sujet principal est SOS-Racisme.


Tableau 9 : nombre d'articles dont SOS est le sujet principal par rapport au nombre
                   d'articles où SOS est seulement cité


Année

articles consacrés à SOS

pourcentages

articles citant seulement SOS

pourcentages

1985

317

79 %

84

21 %

1986

102

77 %

30

23 %

1987

174

72 %

67

28 %

1988

107

74 %

38

26 %

1989

93

59 %

65

41 %

1990

93

77 %

28

23 %

1991

61

62 %

37

38 %

1992

60

73 %

27

27 %

Total

1007

73 %

376

27 %

4) Codage de l'initiative de l'écriture de l'article

On a codé si l'article était issu d'une action de mobilisation publique de SOS ou s'il ne devait rien à une action particulière de l'association. Ainsi un article décrivant une manifestation organisée par SOS-Racisme ou à laquelle SOS a participé est codé comme ayant pour support une action de l'association. Un article qui relate un « crime raciste » et qui reprend un communiqué de protestation de SOS n'est pas codé comme ayant pour support une action publique. Faire un communiqué peut être considéré comme une action publique mais n'a pas été codé comme une action de mobilisation publique susceptible d'entraîner par elle-même un compte-rendu journalistique. En revanche, si l'article signale que SOS va organiser une manifestation sur place, l'article est recodé. Les premiers articles du Nouvel Observateur qui présentaient l'association sont certes dûs à une action de mobilisation des médias menée par les fondateurs de SOS, mais pas à une action de mobilisation publique (manifestation, concert, marche, etc.) : ils sont donc codés comme n'étaient pas directement liés à une action publique de SOS, comme les articles qui font périodiquement le bilan de l'association, qui parlent de ses divisions internes ou qui assurent révéler son histoire secrète. Ce codage avait pour but de savoir à quelle période SOS devait agir pour obtenir une couverture de presse et à quel moment les journalistes étaient susceptibles de faire des articles sur l'association en dehors de toute actualité précise. Les taux d'articles spontanés restent assez constants entre 1985 et 1992 sauf en 1989 et en 1991, c'est-à-dire lorsque des polémiques publiques (foulards islamiques et prises de position contre la guerre du Golfe) induisent des articles consacrés à l'association en dehors de toute action de mobilisation publique de sa part.


Tableau 10 : nombre d'articles de la presse parisienne qui ont pour origine une action
                      de SOS par rapport aux articles qui ont SOS pour sujet ou qui le citent
                      sans avoir pour support une action de SOS


Année

articles issus d'une action de SOS

%

articles qui ne sont pas issus d'une action de SOS

%

1985

341

85 %

58

15 %

1986

111

84 %

21

16 %

1987

202

83 %

40

17 %

1988

125

87 %

19

13 %

1989

112

70 %

48

30 %

1990

95

77 %

28

23 %

1991

52

54 %

44

46 %

1992

77

89 %

10

11 %

5) Les insuffisances du codage

D’autres rubriques de codages étaient originellement prévues. Cependant, leur réalisation commencée et reprise plusieurs fois sous des modalités différentes n’a pas pu être menée à bien : les articles ont été codés à des périodes différentes et selon les catégories partiellement hétérogènes. Le résultat obtenu était donc difficile à utiliser. Nous avions ainsi entrepris un codage sur le sujet et l’action décrit par l’article. Devait être codé le type d'action dont les journalistes rendaient compte : concert, marche, manifestation locale, nationale ou internationale, pétition, colloque, minute de silence, meeting, etc. Ce codage visait à permettre de connaître les formes d’intervention privilégiées par l'association à différents moments de son histoire ainsi que les formes d'action auxquelles les médias étaient le plus sensibles, celles qui étaient le plus susceptibles d’engendrer une couverture de presse importante. Devait également être codée l'initiative des actions auxquelles participe SOS. Pour les concerts, SOS est le seul organisateur mais lors de la manifestation du 25 janvier 1992, SOS, qui était à l'origine de la mobilisation, n'apparaît que comme un des coorganisateurs et l'un des cosignataires de l'appel à manifester. Dans d'autres cas, SOS participe à une manifestation décidée et mise en oeuvre par d'autres associations, syndicats ou partis. Ce codage devait permettre de différencier les occurrences de mobilisation qui ont pour origine SOS de celles auxquelles SOS participe seulement. Enfin nous souhaitions réaliser un codage de l’angle journalistique adopté pour traiter de SOS-Racisme : « association dynamique de jeunes », « organisation permettant de réagir contre le FN », « association proche du PS », « organisation peu implantée en banlieue », etc. Ce type de codage se rapprochait de l’analyse des « packages » mis en œuvre par Gamson et Modigliani [10]. La dimension de l’entreprise et la nécessité de la mener de façon systématique ont fait échouer la réalisation du codage de l’angle journalistique.
   L’échec de la réalisation de ce codage particulier constitue un de mes regrets concernant cette thèse : ne pas avoir mieux objectivé les transformations des postures journalistiques vis-à-vis de SOS-Racisme. L’analyse de l’évolution de l’angle journalistique « association proche du PS » aurait en particulier été particulièrement pertinente. Permettant de mesurer les progrès de l’association croissante, de l’organisation antiraciste et du parti majoritaire, les données issues de ce codage auraient permis de décrire de façon plus contrôlée les transformations de l’image publique de SOS-Racisme. De même la mesure de l’utilisation de l’angle journalistique critique « association peu implantée en banlieue » ou « organisation favorable au " droit à la différence " » aurait permis de mieux percevoir la mise en place de schèmes d’analyse critique de SOS au sein des rédactions.
   Malgré ses imperfections, la base de données ainsi constituée permet d’obtenir des résultats intéressants. Elle permet de connaître les quotidiens et les journalistes qui ont le plus écrit sur SOS-Racisme. Elle permet de mettre en évidence les grandes tendances de l’évolution des attitudes des journalistes vis-à-vis de SOS. Elle nous donne la possibilité de mesurer, par l’évolution du nombre des articles consacrés à SOS, l’intérêt que les différents journaux portent à l’action de l’association. Enfin, elle nous donne la possibilité d’estimer le sens et l’ampleur des fluctuations des commentaires que les journalistes vont pouvoir porter sur SOS-Racisme.

1. Sur les présupposés implicites sur lesquels reposent la mise en scène des manifestations et les commentaires qui en sont faits voir, Patrick Champagne, « La manifestation. La production de l'événement politique », Actes de la recherche en sciences sociales, 1984, 52-53, p. 18-41 et Faire l'opinion. Le nouveau jeu politique, Paris, Minuit, 1990. Voir également l'ouvrage collectif : Pierre Favre (Ed.), La manifestation, Paris, Presses de la FNSP, 1990. Sur les technologies de construction et de mise en scène de la représentativité d'un groupe, voir Luc Boltanski, Les Cadres, Paris, Minuit, 1982.

2. Il existe plusieurs revues de presse consacrées au racisme et à l'antiracisme, et plusieurs bibliothèques disposent des séries complètes des journaux sur la période considérée. En revanche seule l'INA dispose d'archives audiovisuelles qui ne sont pas d'un accès et d'un maniement aisés.

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3. La spécialisation des journalistes est moins grande au sein des rédactions télévisées, et un plus grand nombre de journalistes sont en mesure de participer à la fabrication des reportages. Au contraire des « rubricards » de la presse écrite, les journalistes reporters d'images ne sont pas spécialisés dans un secteur particulier – comme le secteur de l'antiracisme et de l'immigration. Cela implique de plus grandes difficultés d'enquête : les « J.R.I. » peuvent plus difficilement être retrouvés et leurs souvenirs ne portent que rarement sur l'orientation du reportage dont ils ne sont que partiellement responsables, au côté du monteur, du directeur de la rédaction et du chef de service. Voir Gilles Balbastre, « Journal d'un J.R.I., ou les sherpas de l'information », dans Alain Accardo, Journalistes au quotidien, Bordeaux, Editions Le Mascaret, 1995, p. 65-185.

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4. En outre, si le lecteur peut estimer lors de la lecture de l'analyse de la couverture du premier journal qu'il lui manque des informations sur l'attitude de ses concurrents, cette objection devient moins forte lors de la lecture des chapitres suivants.

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5. Voir le concept de « package » développé dans W. Gamson et A. Modigliani, « Media Discourse and Public Opinion on Nuclear Power : a Constructionist Approach », American journal of sociology, vol. 95, 1, juillet 1989, p. 1-37.

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6. Les sondages que nous avons réalisés lors des principales périodes d'activité de SOS tendent à suggérer que France Soir et Le Point ont consacré à l'association moins d'articles que les autres journaux. Une analyse particulière des raisons du faible intérêt de ces deux rédactions pour SOS-Racisme aurait sans doute été pertinente. Cependant une telle enquête sur le non-traitement de l'action d'une organisation se révèle particulièrement délicate. Il est ainsi difficile de trouver un interlocuteur : si les journalistes s'intéressent souvent assez peu aux questions qu'ils ont jadis traitées et parfois ne comprennent pas pourquoi on souhaite les interroger, on peut supposer qu'ils se montreraient encore moins susceptibles d'aborder des sujets sur lesquels ils se rappelleraient parfaitement n'avoir jamais écrit.

7. Dans la dernière collection consultée 400 articles ont été retenus (sur 1383 au total). La moitié d'entre eux étaient des brèves. En outre, sur ces 400 références, celles dont le principal sujet était SOS (c'est-à-dire celles qui ne se contentent pas de citer l'association) représentent seulement le quart.

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8. Nous utilisons ici le codage qui sera décrit ci-dessous. Ne sont retenus que les articles signés qui ne sont pas des brèves et dont le sujet principal est SOS (c'est-à-dire ceux qui ne se contentent pas de citer incidemment l'association). Ce tri permet de ne retenir que les articles principaux.

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9. Total de la colonne 5 du tableau 2 moins le nombre d'articles supplémentaires, soit 804 moins 71.

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10 . W. Gamson et A. Modigliani, « Media Discourse and Public Opinion on Nuclear Power : a Constructionist Approach », American journal of sociology, vol. 95, 1, juillet 1989, p. 1-37.

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